Kessia – Chapitre 18 – Kidnappée.

Kessia – Chapitre 18 – Kidnappée

Kessia ouvre péniblement un œil, puis l’autre. Son regard brumeux croise une vaste étendue d’eau qui se perd dans le lointain, donnant l’impression de toucher le ciel. Kessia se croit d’abord dans un rêve, tombée dans un monde inconnu de nulle part. Sans aucun geste, elle contemple l’endroit qu’elle parcourt des yeux. Elle remarque une bordure de mer sableuse et magnifique qui l’enchante et aussitôt, l’émerveille discrètement.

« Une plage agréable », pense-t-elle. Elle découvre des arbres autour d’elle, quelque peu abondants, mais désordonnés.

Kessia croit avoir connu cet endroit auparavant, mais ne sait quand et où. Toujours fascinée, elle essaie alors de se frotter les yeux pour voir plus clair, car sa vue lui semble encore floue. Mais quelque chose l’en empêche. « Sûrement, mon bracelet est accroché, » pense-t-elle. Elle ne se lasse pas d’admirer cet endroit qui lui paraît plus ou moins familier, et où la mer brille de mille éclats en contact avec les rayons solaires. Elle ne parvient pas à s’en souvenir. Alors, elle tente de bouger, de se lever.

La première tentative échouée, Kessia se croit bientôt ankylosée, comme ça arrive dans les rêves quand on est face à un énorme danger. Pourtant, cette situation dans laquelle elle se trouve, n’en est pas le cas, puisqu’elle fait face à toute une généreuse nature. Peut-on se retrouver hypnotisé ainsi devant une chose magnifique et merveilleuse ? Le doute clignote dans l’esprit de Kessia. Il lui suffit alors un coup d’œil sur sa situation pour réaliser ce que c’est.

Le  rêve de Kessia se transforme alors en un cauchemar. Ce bel endroit cède place à un affreux cachot. Elle frissonne à l’idée d’un danger imminent. L’angoisse secoue sa poitrine. Elle se demande comment est-ce possible qu’elle se retrouve ligotée et larguée dans un endroit aussi froidement silencieux et isolé. Elle se sent confuse de ne pouvoir rien comprendre. C’est alors qu’elle tente de se souvenir comment elle a atterri dans ce calvaire. Sa mémoire ne la satisfait pas quand elle la consulte, l’interroge, pour qu’elle lui restitue la manière, les situations dans lesquelles elle est venue ici.

Assise et adossée contre l’arbre derrière lequel ses deux mains se  joignent attachées, déçue de sa mémoire, elle cherche à se débattre pour se dégager, se libérer de son emprise, ce lien qui la retient prisonnière. Elle comprend que plus elle insiste pour s’échapper, plus elle sent une douleur transpercer ses poignets et ses pieds liés.

   –  Au secours ! crie-t-elle, désespérée.

Un oiseau se met alors à piailler un instant sur l’arbre contre lequel elle se trouve captive. Elle lève les yeux, convaincue que l’animal peut lui apporter une aide quelconque, car c’est le seul être vivant qui a su répondre à son appel. L’oiseau sort de son nid, s’ébroue, puis se met à piailler désagréablement. On le croirait en colère, comme un enfant qu’on réveille le matin pour l’école.

   –  S’il te plaît, ne sois pas paresseux ! le supplie Kessia, et l’animal se tait visiblement surpris. Essaie plutôt de faire quelque chose pour me libérer d’ici.

Etonné, l’oiseau plisse les yeux en apercevant Kessia. Il piaille de plus belle avant de décamper, affolé.

   –  Quel animal peureux ! regrette Kessia. Est-ce que j’ai l’air effrayant ?

L’endroit redevient silencieux, hormis le bruit qui se produit quand la mer se rince contre le sable en abandonnant chaque vague. Kessia constate qu’il n’est pas encore la moitié du jour. Mais le soleil se montre de plus en plus ardent, à chaque parcours. Elle comprend au moins qu’elle se trouve prisonnière à l’Est de l’univers dans lequel elle est tombée. La vue de son uniforme lui rappelle aussitôt l’école. Et bientôt, sa mémoire lui fournit quelques événements. Le moment où elle a été attaquée par deux hommes masqués. Cependant, comment et quand elle est arrivée captive ici, cela lui paraît comme une énigme difficile à comprendre.

La jeune fille ne pense pas autrement. Elle soupçonne ces deux hommes qu’elle n’a cessé de redouter. Mais ce qui l’étonne, c’est comment, vraiment comment ont-ils pu savoir que c’est elle la coupable ? Kessia demeure perplexe. Pourtant, personne n’est au courant de son escapade. Personne ne sait qu’elle a débarqué dans cet îlot, sauf enfin… Pamito ! Est-ce donc lui qui a osé balancer Kessia, sa meilleure amie ? Kessia mord ses lèvres pour retenir ses larmes, avec évidence. Elle se sent trahie. Ainsi, se dit-elle, faut-il donc redouter un ami plus qu’un ennemi…

   –  Salut, jeune fille ! lui parvient une voix souriante qui la fait sursauter. Pas de panique !

   –  Mais je vous connais tous les deux…, s’empresse Kessia au point qu’elle balbutie en découvrant Lop et Pek.

   –  Ça, nous n’en doutons pas une seconde, réplique Lop.

Il s’approche de la jeune fille, s’accroupit devant elle.

   –  J’espère que mademoiselle a admiré cet endroit, lui sourit-il.

   –  J’en suis certain, dit Pek assis sur un arbre tombé.

Lop sourit, se relève. Il rejoint Pek, en attendant que Kessia reprenne ses esprits. Car pour lui, elle est encore sous le choc.

   –  Vous avez fini votre cinéma, je suppose, dit Kessia après avoir contenu son impatience et sa colère. Dites-moi, que signifie toute cette scène ? Où suis-je ? Pourquoi suis-je ligotée ?

   –  Nous t’avons enlevée de chez toi, lui déclare Pek. Tu es contente, maintenant ?

   –  Même dans un film, ce n’est pas de cette manière que ça se passe…, tente d’expliquer Kessia.

   –  A ton avis, comment ça se passe, hein ? réplique Pek d’un ton narquois.

   –  Qui vous a autorisés à me kidnapper ?

   –  On ne t’a pas kidnappée, on t’a enlevée, idiote, croit corriger Pek. Tu fais quelle classe, d’ailleurs ?

   –  Vous vous rendez compte de ce qui m’attend, si je manque les cours d’aujourd’hui ? feint Kessia. Je sais que vous m’avez kidnappée en cours de route quand je partais à l’école…

   –  Tiens ! Tiens ! Elle s’en remémore, alors, intervient finalement Lop.

   –  Qui vous en a donné le droit ? fulmine Kessia.

   –  Maintenant, ça suffit ! la réprimande sévèrement Lop. Ici, c’est nous qui posons des questions auxquelles tu dois répondre, je te le rappelle. Donc contente-toi de ce rôle. Des réponses claires et précises ! ajoute-t-il.

   –  Vous perdez donc votre temps, lance la fille. Où est le scénariste, j’ai un mot à lui dire. Je ne suis pas contente du tout… 

–  Parce que tu crois qu’on est en train de tourner un film ? Mais quelle idiote ! se crispe Lop, alors que Pek tente vainement de cesser de rire.

Kessia regrette ses mots, demeure perplexe. Ses ravisseurs s’éloignent un peu d’elle pour se consulter. Ils essaient de trouver un moyen pour la faire parler, d’une manière ou d’une autre.

   –  Comploter contre une fillette désarmée et innocente, c’est une grande lâcheté, leur lance Kessia.

Les deux kidnappeurs arrêtent un instant leurs conversations. Ils se fixent les yeux l’un dans l’autre, sidérés. Ils regardent la jeune fille qui les inspecte sans ciller. Ils ne rétorquent pas, mais disparaissent de sa vue comme ils y sont apparus.