L’Île de la MAGIE – Chapitre 5 – Le poème de Dani

Chapitre 5 – Le poème de Dani

Le vent de l’Ouest, un peu déchainé, ne cesse de hurler et la mer commence à adopter une mine houleuse. Au ciel, le brouillard s’interpose, empêchant le soleil d’arroser l’île de ses rayons solaires ; voilà le temps doux !

Sur le sable courent deux athlètes amateurs, transportant de petits cailloux entassés du point de départ à celui d’arrivée. En quittant le point de départ, Mano et Nis, l’un par sa main et l’autre par ses dents, saisissent chacun un caillou et courent le déposer au point d’arrivée et là-bas aussi, ils prennent chacun un autre caillou et reviennent le déposer au point de départ et ainsi sans cesse… Un exercice qui n’arrive à sa fin que quand on démissionne ; il suffit seulement d’avoir trois petits cailloux en plaçant deux au départ et un à l’arrivée pour courir jusqu’à l’éternité… Nis court au rythme de son maître, la bouche ouverte.

De l’autre côté, sous le grand manguier, se trouve Dani, assis au milieu de leurs nouvelles compagnes. Ils suivent depuis un bon moment les deux athlètes qui courent sur le sable. Après un long silence, Dani déstabilise son oncle en lui lançant d’un ton provocateur :

« Allez, courez très vite ! Ne vous arrêtez guère et après ce sera le tour de l’Ile. »

Mano s’en moque ! Mais son avocat réplique, il s’agit d’Emma :

« Toi, tu es simplement paresseux et amoureux sinon tu les aurais rejoints ! » Dit-elle en se relevant.

Dani devenu perplexe s’en moque ! Emma part les rejoindre  en quittant Dani et Nafi. Elle s’arrête au point de départ attendant les athlètes, ceux-ci arrivent.

« Emma, veux-tu courir aussi ? » S’enquiert Mano.

« Oui ! » répond-elle esquissant un petit sourire.

« Alors rejoins-nous… »

Tous vêtus de maillots de sport, la jeune fille les rejoint. Une, deux, trois, quatre fois de va-et-vient, et une lamentation surgit ; une voix féminine.

« Oh ! Je n’en peux plus maintenant, j’ai l’impression que mon cœur se heurte contre ma poitrine. » Déclare Emma.

Elle s’arrête et se penche en avant, s’appuyant les mains contre ses genoux, respire comme si ses poumons veulent s’extérioriser. Mano et Nis s’arrêtent puis viennent auprès d’elle.

« Emma ! Est-ce que ça va ? » Demande Mano.

« Oui… ça va… » Balbutie-t-elle.

« Allez, relève-toi et va t’asseoir pour retrouver ton souffle. » Lui recommande-t-il.

Emma s’écarte et s’assied sur le sable puis suit ses compagnons qui recommencent leur exercice. Une voix masculine, teintée d’ironie, leur parvient de l’autre côté :

« On n’a qu’une seule sportive ici. » C’est Nafi.

Dani se relève puis tend sa main à Nafi qui la saisit aussitôt et se relève à son tour. Ils partent alors tous les deux se promener sur le sable, s’éloignant de leurs compagnons, marchant les mains l’une dans l’autre, tels des amoureux. Ils finissent par s’asseoir sur le sable tout près de la marée descendante, mais très lente, laissant le bruit de la mer rinçant le sable dominer. Ils contemplent les petites vagues régulières qui se succèdent incessamment. Dani forme une boule de sable dans sa main puis la lance dans l’eau.

« D’où venez-vous ? » Se renseigne Dani en regardant la mer frotter le sable.

« Je n’en ai aucune idée, j’ai dû tout oublier. » répond-elle après avoir regardé autour d’elle pour se rassurer que cette question lui est bien adressée, puis fixe les nuages qui se dégagent.

Dani la regarde.

« Combien de temps avez-vous fait ici ? »

« Beaucoup » Répond-elle brièvement.

« Avez-vous des parents ? »

« Oui, mais je ne sais où. Quand à Emma, elle est mon amie. »

« Comment vous vous êtes retrouvées ici ? » Insiste Dani.

« Nous étions en promenade lorsque, tout d’un coup, nous avons vu cet îlot, nous sommes arrivées jusqu’au rivage et subitement quelque chose s’est passée, après quoi nous ne nous souvenons de rien, je n’en ai vraiment plus aucune idée… » Explique-t-elle.

Dani secoue lentement sa tête et regarde le dernier quartier de leur île. Le dernier quartier est bien celui de Tamara puis au milieu, celui de Rogbanet et enfin, devant, Fotoba, où ils sont nés Mano et lui. Nafi ne fait que compter le nombre de vagues qui se succède : …15, 16,17… elle s’interrompt.

« De quelle île venez-vous avec votre chien ? » S’enquiert-elle à son tour.

Dani lui montre l’île de Fotoba au bout de son doigt.

« Vous avez passé beaucoup de temps ici ? »

« Pas beaucoup. »

« Avez-vous des parents ? »

« Oui, et Mano est mon oncle. »

Nafi devient davantage curieuse.

« Que venez-vous chercher ici ? Rien ne vous est arrivé contrairement à nous ? » Demande-t-elle, les yeux fixant le gamin.

« C’est mon oncle qui m’a proposé cette idée, au début, je n’ai pas voulu accepter, mais finalement j’ai fini par céder et nous avons rencontré une fée… »

« Une fée ! » S’exclame Nafi, émerveillée. « Elle est où en ce moment ? »

« Elle est partie mais elle reviendra dans un moment imprécis » Explique Dani.

« J’ai hâte de voir une fée. Dis-moi, elle a l’air de quoi ? »

« Oh ! Elle a toute la beauté qu’il faut : intelligente, belle, séduisante, magnifique, adorable… »

« Ça suffit, je comprends. » interrompt Nafi, jalouse.

Elle se tait puis parcourt de ses yeux contemplatifs les autres îles. Elle ne se souvient plus de leurs noms, cela s’explique par le fait qu’elles ont effectué beaucoup de temps sur cet îlot, et ce qui est inouï, c’est que rien n’a diminué, ni augmenté de leur taille.

« Tu connais toutes ces îles ? » Reprend-elle en demandant à Dani qui suit le rythme des flots de la mer.

« Oui ! Là-bas en face de nous, c’est l’île de Fotoba ; ici tout près, c’est Room et derrière celle-ci se trouve l’île de Kassa ; puis derrière cette dernière se situe Conakry, la capitale. Ici, c’est L’ÎLE DE LA MAGIE ! » Énumère le gamin en les pointant du bout des doigts.

« J’ai tout oublié. » Avoue Nafi.

« J’admets. »

Le gamin se lève puis tend la main à Nafi, celle-ci la saisit et en fait autant. Ils descendent dans l’eau sans l’intention de se laver ; la mer les avale jusqu’aux genoux. Dani se met à tracer à la surface de l’eau, Nafi l’imite. Le gamin s’interrompt tandis que continue sa compagne. Il glisse un regard autour d’eux, pénétrant les arbres, le sable et l’immense eau salée dans laquelle se baignent les îles de Loos et finit par s’immobiliser sur Nafi qui ne cesse de tracer un cœur à la surface de l’eau.

« C’est romantique ! » Déclare-t-il.

« Quoi ? » Fait sa compagne, surprise, relevant sa tête dont jaillit aussitôt un petit sourire séduisant.

« Toi et ton dessin ! »

« Oh, ne te moque pas ! » S’exclame-t-elle, gardant son sourire.

« Je dis vrai ! Allez, sortons de l’eau. »

Dani saisit la main de son amie puis ensemble, ils sortent de l’eau en allant s’asseoir aux abords du sable. Le gosse a l’air d’un amoureux, il veut confier quelque chose à son amie, ses yeux ne cessent de s’illuminer comme un prince. Il hésite beaucoup trop à avouer ce qu’il ressent pour sa jeune compagne ; une idée vient aussitôt hanter sa tête d’adolescence : demander à Nis comment s’y prendre. Mais ne vaut-il pas mieux être amis que petits amis si l’amitié dure à jamais ?

Il décide alors de le confier à Nis, le seul être qui ne saurait le trahir mais qui pourra garder son secret à jamais hormis auprès des autres chiens à qui il pourrait le divulguer. D’ailleurs ne vaut-il pas mieux confier son secret à un animal qu’à un hypocrite ? Le silence se distingue s’emparant de la voix humaine. Nafi creuse un petit trou dans lequel s’enfoncent son regard et toute son attention.

Les deux athlètes cessent ce transport de cailloux sans fin. La sueur ruisselle sur tout le corps du garçon. Emma, devenue une simple spectatrice depuis un certain moment, a complètement repris son meilleur souffle ; ses amis, Mano et Nis, viennent près d’elle.

« Vous devez avoir le poumon d’un cheval ! » leur lance-t-elle.

« Tu as fourni un peu d’effort aussi. » remarque Mano tendant sa main à Emma qui se relève aussitôt. « Allez, viens nous allons nous débarbouiller. »

Ils descendent dans l’eau, tous deux, mais Nis, quant à lui, refuse de les rejoindre. Emma ne tarde pas à surprendre Mano en l’aspergeant d’une poignée d’eau puis éclate de rire.

« Oh, tu ne t’en sortiras pas sèche ! » lance Mano, surpris.

Les poignées d’eau commencent à s’abattre sur eux comme de la grêle et ils deviennent tout trempés, jetant sans cesse de grosses quantités d’eau l’un sur l’autre. Les rires résonnent. Une poignée d’eau vient s’abattre maladroitement de la part d’un des deux sur Nis qui aboie. Planté en bordure de mer et maintenant trempé à force de contempler ses compagnons en train de s’amuser comme des foufous, Nis a marre de suivre ce jeu enfantin. Il quitte alors ses copains qui ne cessent de se taquiner dans l’eau et part rejoindre les autres amis, Dani et Nafi.

Dani qui lance le sable inlassablement et Nafi qui creuse incessamment de petits trous, sentent l’humidité. Nis est venu s’étendre au milieu d’eux sans qu’ils ne s’en rendent compte. C’est son corps trempé, couché entre eux, qui les rend sensible de sa présence. Dani et sa compagne le regardent, se précipitant  à peigner sa tignasse de poils.

« Nis, que font-ils là-bas tous les deux ? » demande le gamin.

« Il semblerait qu’ils sont en train de se laver ce qui explique que Nis est trempé ! » devine la jeune fille.

Nis regarde Nafi pourvue d’une belle voix et lui saute dans les mains.

« Oh, trop amoureux, ce Nis ! » s’exclame Dani.

« Il est trop gentil et adorable, tu sais, je l’aime beaucoup. » renchérit Nafi.

« Et aussi très amoureux… » Insiste-t-il.

Nafi, étonnée, regarde son ami puis éclate de rire. Elle caresse la tête de l’animal en fredonnant d’une voix très douce, puis ferme les yeux un instant et les rouvre.

« Dani, tu te souviens de ce doux murmure ? » Demande-t-elle après avoir interrompu cette voix mélodieuse.

« Oui, je m’en souviens quand je vous ai tenu compagnie. » Répond Dani.

« C’est magnifique ! Qui te l’a appris ? »

« Ma tante ! »

« Comment s’appelle-t-elle ? »

« On l’appelle toujours Tante Liliane ! »

« Elle doit être le génie de la chanson, j’imagine bien. »

« Oui, de chansons berceuses. » précise Dani.

Nafi continue à émettre sa douce voix, aussi berceuse, plissant les poils de l’animal maculés de sable et Nis tend ses pattes pour s’en servir d’oreiller. Le gamin se souvient de son petit carnet et son stylo, il éprouve le besoin d’écrire quelque chose à raconter à sa tante dans l’espoir d’apaiser la crainte de celle-ci. Il s’impatiente d’aller les prendre et de rédiger.

« Je pense que nous devons rejoindre les autres. » dit-il à ses deux compagnons.

La jeune fille saisit le petit animal et tous partent ensemble, laissant derrière eux leurs empruntes sur le sable. Ils rejoignent Mano et Emma assis sous le grand arbre. Nafi fait descendre Nis qui court auprès d’Emma laquelle commence aussitôt à glisser sa paume sur ses poils.

« Toujours drôlement amoureux, ce Nis, mais il te faut chercher ta cavalière hein ! » remarque Dani en partant chercher son carnet de notes et son stylo.

« Ah Dani ! Toujours drôlement jaloux de son chien, c’est ce qui est marrant ! » Réplique Emma.

« Oh ! Toi, je ne t’écouterai même pas ! » S’exclame Dani, contrarié.

Il prend tout ce dont il est parti chercher puis appelle Nis. Celui-ci, sans s’obstiner, accourt. Ils se retirent un peu loin de leurs compagnons qui ne leur prêtent plus attention. Ils s’asseyent l’un près de l’autre. Dani saisit son stylo à travers ses lèvres se mettant à ouvrir et à feuilleter son carnet de notes. Nis s’étend et pose sa tête sur ses pattes postérieures dépliées.

« Nis, tu sais, Nafi est trop belle ! Tu penses qu’elle pourra m’accepter quand je lui confierai que je l’aime ? » Demande Dani.

Nis relève sa tête et lui fait un regard trop bref puis la rabaisse. C’est Dani qui parle et c’est lui-même qui s’écoute. Soudain, une idée lui parcourt la tête imaginant que c’est Nis qui la lui suggère : si tu écris un beau poème pour une fille, elle sera forcément très enchantée. Du coup, Dani change d’intention, car il voulait raconter leur aventure.

« Oui exactement, Nis ! C’est une très bonne idée, tu es vraiment le génie des animaux. » Murmure-t-il.

Nis étonné, contemple son jeune maître d’un air interrogateur, ne sachant pas ce qu’il a fait pour mériter être le génie des animaux. Y a-t-il aussi un génie des animaux, d’où tire-t-il cette idée ? Nis repose sa tête sur ses pattes et fixe de son regard l’immense eau de la mer.

Dani se met à écrire et son esprit entasse des milliers de mots qu’il regroupe, prenant toute son attention. Les yeux noirs de Nis ne cessent de resplendir une seconde fois comme les rayons du soleil, il n’arrête pas d’agiter ses oreilles comme les mouches tournent autour d’une plaie de chien. Son ventre se gonfle et se dégonfle au rythme de sa respiration ; sa courte queue ne cesse de se frotter contre Dani très concentré dont le regard et la tête s’enfoncent dans son petit carnet et qui reste juste un peu sensible. Le jeune garçon s’est trouvé un bon boulot car il est plus facile d’avouer à l’oral ce qu’on ressent pour quelqu’un que de passer tout son temps à écrire juste pour montrer quoi ? Son talent ? Quel drôle d’idée !

Ses deux autres compagnons sont assis côte à côte, leur regard parcourant les abords de la mer et aussi observant les îles au loin. Un héron se jette dans l’eau en capturant sûrement un poisson. Une bande d’oiseaux le suit aussitôt en passant au-dessus de leurs têtes ; l’un d’entre eux lâche le déchet qui s’abat sur la figure de Mano.

« Oh ! C’est quoi cette puanteur chaude. » S’exclame-t-il, surpris.

Les deux filles ne peuvent s’empêcher d’étouffer de rire. Ce bruit attire aussitôt l’attention de Dani qui arrête d’écrire et les contemple un instant avant de poursuivre sa tâche. Mano se lève puis part se débarbouiller et revient s’asseoir au milieu d’un nouveau silence régnant.

« Pourquoi ne rentrons-nous pas chez nous ? » S’enquiert Nafi.

Les autres la fixent puis les deux filles regardent Mano, le mieux placé pour répondre à cette question restée un bon moment en suspens.

« Nous sommes venus ici dans le but de découvrir cet îlot ; nous avons sa carte et nous attendons  Siata… »

« Qui est-elle ? » demande-t-elle.

« Une fée… »

« Dani m’en a un peu parlé… j’ai hâte de la rencontrer. »

« C’est elle qui nous a donné la magie qui vous a libérées et que nous détenons ; elle reviendra dans peu de temps. » Explique Mano.

Nous pourrons nous joindre à vous, s’empresse de dire Emma, émerveillée tout comme Nafi.

« Avec plaisir ! » Agrée Mano.

Emma et Nafi, les yeux resplendissant de joie, esquissent un sourire joyeux.

« Oh, nous serons tous des héros ! » Dit-elle.

Mano les imite puis le silence est de nouveau maître.

Les yeux de Nis sont maintenant mi-clos. La brise vient soulever incessamment la feuille sur laquelle Dani écrit. Importuné, il tourne le dos au vent pour mieux écrire tandis que quelques arbres bruissent. A terre se trouvent trois à quatre feuilles déchirées, froissées et éparpillées et sur lesquelles se présentent des ratures. Dani regarde tantôt les arbres, le ciel et la mer, tantôt son alentour pour composer son poème ; ça fait un bon moment qu’il se concentre. Une autre idée lui vient en tête : pourquoi faire tout ça, s’il serait mieux, par la bouche, de dire ce que l’on ressent pour quelqu’un ? Cette deuxième idée le rend dubitatif. Il regarde Nis qui ne fait aucun geste, semblant dormir. Tout d’un coup, une autre idée vient parcourir son esprit embrouillé : Ne te décourage pas, continue ton poème. Quand elle le lira, elle sera étonnée et saura que tu as un sacré talent ; à chaque fois qu’elle le lira, elle pensera à toi.

« En voilà une excellente idée ! » S’exclame-t-il.

Il fait entrer l’extrémité de son stylo dans sa bouche et parcourant son esprit dans l’univers des mots, ramasse les plus splendides qui puissent exister pour constituer son poème. Il retire son stylo de sa bouche puis penche sa tête et ses doigts se mettent à glisser sur la feuille. Pas besoin de la moindre rature. Les lettres y apparaissent une à une, se collant l’une contre l’autre et formant des syllabes puis des mots et enfin des vers. Au bout d’un moment, ses doigts s’immobilisent, saisissant la feuille pour dévorer son poème. Ses lèvres murmurent tout doucement et, après avoir fini de le lire, il arrache une autre feuille et ferme son carnet de notes. Il plie la feuille sur laquelle est écrit son poème et fait, de celle qu’il a arrachée une enveloppe sur laquelle il écrit : A ma chère Nafi. Il glisse son poème dedans. Après avoir tout fini, il tire leur chien de sa joyeuse détente. Nis le fixe d’un regard profond voulant signifier : << on ne peut même pas être tranquille avec cette bande de bouseux >>.

« Hé, Nis ! Pourquoi tu me regardes comme ça, c’était ton idée non ? » S’étonne-t-il.

Nis ne fait aucun geste tout en adoptant un air désapprobateur ; en tout cas, tirer un animal de son repos est injuste. Quelle drôle de remarque ! Dani, trop rusé, prend Nis dans ses mains, le caressant puis le balançant comme un bébé qu’on berce. Mais Nis ne tarde pas à deviner le motif de son jeune maître : quelque chose à remettre à quelqu’un. Quel génie !

« Nis, je veux te confier une mission. » Déclare le gamin.

Nis qui perçoit trop mal ce mot << confier >> en le décomposant en deux mots : << con >> et << fier >> ce qui veut dire : fier d’être con, s’obstine croyant que son jeune maître l’a traité ainsi. Dani, étonné du dégoût de leur chien, murmure au bout des lèvres : << bien que Nis soit le génie des animaux, il est évident qu’il est celui des animaux idiots, sinon il serait fier de lui-même d’avoir eu une telle mission à accomplir >>. Il lui est apparu que Nis n’a pas bien compris.

« Je te confie une mission, tu comprends maintenant ? »

Nis le regarde d’un air joyeux et fier d’avoir une mission à accomplir pour obtenir une récompense. Dani tire l’enveloppe de son carnet de notes.

« Nis, tu vois ça ? C’est une lettre que tu dois remettre à Nafi. Quand elle la recevra, tire lui son habit pour qu’elle s’éloigne de cette bande de curieux. »

Nis aboie pour exprimer sa compréhension, très content. Le gamin prend alors son carnet de notes puis la lettre et les glisse dans sa poche.

« Nis, je crois que nous devons aller de l’autre côté de la plage, là je te remettrai la lettre. » Conclut-il.

Ils s’en vont en passant derrière leurs compagnons qui les suivent aussitôt de leur regard.

« Je me demande quel jour Nis est devenu notre roi, je suis surprise hein… » Lance Emma, disposée à provoquer Dani.

Les autres éclatent de rire, tandis que Dani s’en moque. Ils partent alors, Nis et lui, dans un endroit désert de la plage. Le gamin dépose leur chien à terre et retire de sa poche son enveloppe, s’accroupit et la lui remet. Nis la saisit de ses dents.

« Allez, Nis, joue intelligemment ta mission. » lui conseille-t-il.

Nis court aussitôt suivant ses conseils, Dani le suit de l’œil jusqu’à ce qu’il disparaisse. Il fait sortir trois citrons par magie et avec lesquels il se met à jongler adroitement.

Nis arrive auprès de Nafi et lui tend la lettre, celle-ci s’y précipite aussitôt puis se met à l’ouvrir, mais le chien commence à tirer la gamine comme prévu. Pressée, elle se relève, déplie la lettre puis voit le poème.

« Qu’est-ce que c’est ? » S’enquiert Emma, curieuse, son attention portant sur la jeune Nafi.

« Un poème de la part de Dani ! » déclare-t-elle, le sourire aux lèvres.

« Je suis impatiente de le lire. »

« Hum ! Ma chère curieuse. N’ignores-tu pas, par hasard, que celui qui n’est pas invité, n’est pas concerné, je me demande si Mano ne pourrait pas t’en faire un… »

Emma regarde Mano d’un air interrogateur, leurs regards se croisent puis il fixe Nafi.

« Souvenez-vous que nous ne sommes pas là pour passer notre lune de miel, mais bien au contraire pour explorer cet îlot. » Explique Mano.

Les deux filles qui trouvent cela drôle s’étouffent de rire. Emma s’approche de Mano et lui glisse les mains dans les siennes. Ils fixent Nis qui entraîne Nafi un peu loin mais aussi plus près de Dani. Ils s’arrêtent tous deux après s’être suffisamment éloignés de Mano et Emma. Nafi tient le poème dans sa main puis laisse ses lèvres murmurer :

 « « « 

Entre toi et moi

 Sur l’ÎLE DE LA MAGIE

 La nuit sous la lune

 La nuit sous les étoiles

 Au milieu des arbres

 RIEN QUE TOI ET MOI

 L’amour nait du cœur

 Jaillit du cœur

 Monte aux yeux

 Et y brille

 ENTRE TOI ET MOI

 Sous la neige

 La neige blanche de printemps

 Sous la pluie

 La pluie douce d’hiver

 Et sous le soleil

 Le soleil ardent de l’été

 Ferme tes yeux

 Et voyage avec moi

 Emporte-moi dans  un autre monde

 Un monde à nous seuls

 Rien que nous seuls

 Ouvre tes yeux

 Contemple notre monde

 Contemple toutes ces roses

 Tu es ma princesse

 Je suis ton prince

 Au règne de l’amour » » »

                                                                  Dani.

« Waou ! Quel beau poème ! » S’exclame-t-elle, enchantée.

Ses yeux resplendissent d’amour. Elle s’illusionne. Son esprit s’envole dans un autre monde si parfait où tout est rose, fantastique, merveilleux et beau ! Elle serre la feuille contre sa poitrine et fixe le ciel.

« Oh ciel ! Beau ciel ! Comme c’est splendide et romantique ! »S’exclame-t-elle de nouveau.

Elle s’impatiente maintenant de retrouver son bien-aimé, Dani. Elle demande Nis de la conduire auprès de son jeune maître. Nis lui sert de guide. Ils courent puis retrouvent le jeune garçon toujours en train de se servir adroitement de ses mains pour jongler avec ces trois citrons. Il ne se rend pas compte de l’arrivée de Nafi et Nis, car trop concentré.

La jeune fille, émerveillée, le contemple avec beaucoup d’admiration ; le sourire illuminant son beau et ravissant visage de petite fille, autant séduite par le poème que par l’adresse de son bien-aimé. Ne pouvant plus rester sans se jeter dans les bras de Dani, elle accourt auprès de lui puis tous les deux tombent sur le sable.

« Tu es trop romantique, mon bien-aimé ! » S’exclame-t-elle en s’empressant de poser un baiser sur la joue de celui-ci, très surpris.

Nis apparait derrière eux puis Dani lui cligne des yeux comme pour lui dire que son plan a bien réussi et finit par fixer Nafi, sa bien-aimée.

Ils s’étendent tous deux sur le sable l’un près de l’autre mais laissant un petit espace entre eux, leurs dos contre le sable, le regard vers le ciel, les mains sous leurs nuques servant d’oreillers, les jambes pas tendues mais formant quatre bons triangles. Nis se retire un peu tout en suivant ses compagnons.

« Dis-moi, est-ce bien donc toi qui as écrit ce poème ? » S’étonne la bien-aimée.

« Bien sûr ! » répond le bien-aimé.

« C’est trop magnifique et romantique et surtout séduisant, tu le sais. » poursuit-elle d’une voix très douce, son visage resplendissant d’admiration.

« Oh Merci ! Je croyais que tu n’aimerais guère. »

« Mais si ! Je l’aime beaucoup, je le garderai jalousement et le lirai chaque jour, mais dis-moi, pourquoi fais-tu tout cela ? » S’enquiert secrètement la bien-aimée pour se rassurer.

« Parce que… hésite le bien-aimé. Parce que… je t’… »

« Je comprends. » interrompt-elle en changeant de position.

Elle s’allonge sur son flanc, son regard fixant son bien-aimé, sa main soutenant sa tête ; Dani l’imite. Ils joignent sur le sable chacun son index et dessinent un seul cœur. Ils sourient et leurs pensées les transportent dans un château tels un prince et une princesse. Ils approchent tout doucement leurs lèvres les unes contre les autres prêts à s’embrasser, les yeux fermés. Nis, qui suit la scène, est devenu jaloux ; il court s’interposer avant même que leurs lèvres ne se touchent, faisant que celles-ci se collent aussitôt, chacune de son côté, sur ses poils à lui. Les deux enfants ouvrent leurs yeux et le voient planté entre eux, l’air innocent. Ils frottent leurs lèvres du revers des mains. Dani le fixe comme pour dire : << bien commencé, mal achevé >>. Nis a bien joué car bon est dans tout mais tout n’est pas bon.

« Nis est aussi jaloux de toi, ma bien-aimée ! » Remarque Dani.

Nafi s’est mise à rire.

« Il est trop adorable comme son jeune maître. » confie-t-elle en lui plissant les poils.

Soudain, une voix masculine leur parvient un peu loin :

« Dani ! Nafi et Nis, rejoignons-nous, il est temps de partir ! » Les avertit cette voix.

Mais partir où ? Dans les grottes ou à la maison ? Pourvu que ça ne soit pas à la maison, car l’aventure de Dani vient d’être commencée.