Kessia – Chapitre 22 – Pam

  Pam

  C’est en classe d’abord qu’on remarque son absence. Excepté Pamito, personne ne s’en soucie. On pense qu’elle est malade ou veut sécher les cours en faisant l’école buissonnière. Mais le jeune garçon, intrigué, s’informe près de Jego, son jeune disciple, durant la récréation.

   –  Tu dis bien que vous avez pris le déjeuner ensemble et qu’elle est sortie de la maison avant toi ? demande encore Pam au petit garçon.

   –  Oui, répond celui-ci. Elle a pas voulu m’attendre. Elle est partie seule. Qu’est-ce qu’il y a ?

   –  Rien, le rassure Pam. Rentrons en classe. La récréation est terminée.

  Après les cours, le jeune Pamito se rend chez elle, dans la forêt, au bord de mer. Il retrouve leur radeau, mais pas elle. Il s’avance sur le sable, considère l’îlot lointain. Il imagine les propriétaires du butin débarquer chez eux, l’enlever et s’en aller avec elle. L’évidence prend forme dans sa tête. Tout devient clair pour lui : Kessia a été kidnappée. En rentrant chez-lui, il emmène son lapin pour le garder et continuer ses soins.

  Le même jour, on déclare Kessia disparue. Ses parents en deviennent ébranlés et très anéantis ; toute île agitée. Son père, accompagné de jeunes gens et de Pamito, part à sa recherche. On inspecte la montagne, derrière elle aussi, là où se trouvent les champs de fruits, de légumes des Coquois. On l’appelle partout. On pose des questions aux cultivateurs, mais n’obtient aucune réponse positive. Désolée, la troupe ne rentre qu’au crépuscule du jour.

  Le deuxième jour de la disparition, une nouvelle équipe de jeunes gens se porte encore volontaire. Cette fois-ci, on examine même les rivages, mais en vain. Là encore, l’équipe regagne le village fort pessimiste. Toute l’île est désemparée. Certains pensent que Kessia s’est peut-être noyée, d’autres par contre, qu’elle a peut-être été enlevée par les diables etc.

  Cependant, la nuit tombée, Pamito remplit son sac de vivres. Il quitte sa chambre par la fenêtre avec son sac, dès l’aube. Il se rend au rivage où est caché leur radeau. Il ne sait pas nager, mais pour sauver son amie, il se montre résolu.

  Il parvient à traîner tout seul le radeau jusqu’à la mer. Il rame si vite, qu’il se trempe d’eau. Les vaguelettes, le naufrage, ça ne l’inquiète guère. Mais la crainte de retrouver Kessia morte l’angoisse fort bien. Comme Kessia, il traverse l’immense mer. Le matin ne le rattrape qu’entre les deux îles. Il pense qu’il sera aussi déclaré disparu, comme son amie.

  Pamito débarque dans l’îlot au moment où le soleil débute ses conquêtes. Par bonheur, il trouve une baie où cacher leur radeau.

  Jamais le jeune Pamito ne s’est encore montré courageux auparavant ! Il ne perd pas de temps un instant. Il escalade les rochers, arrive sur le sable. Il pénètre donc dans la forêt. Même s’il ne connaît pas cet îlot, il entame une recherche de détective, se ravisant de s’époumoner. Car il ne souhaite nullement s’attirer une hostilité soudaine.

  Pourtant, après une longue et décevante recherche, il appelle deux ou trois fois Kessia, mais hélas ! C’est ainsi qu’une idée lui vient en secours. Il rebrousse chemin, retrouve le radeau. Il entreprend de faire le tour de l’îlot, sur l’engin, en restant le plus près possible des côtes. A l’Ouest, il s’oriente vers le Nord. A chaque endroit, il appelle Kessia sans être satisfait. Les oiseaux s’envolent, après chaque appel. Le jeune garçon observe les bordures de l’îlot, envahies par les rochers et les arbres.

  Pamito se retrouve à l’Est de l’îlot, avec une attention doublée. Un peu plus tard, il découvre un endroit sableux. Il s’en approche sans tarder, animé d’espoir. Bientôt, il remarque une forme humaine assise, adossée contre un arbre, la tête penchée sur les genoux relevés.

  Le cœur du jeune garçon bat plus fort, entraînant de grosses gouttes de sueur. Plus il s’approche du rivage, plus il est certain de retrouver… Kessia ?  

   –  On l’a tuée ! s’affole-t-il aussitôt.

  Il descend du radeau qu’il dissimule dans la mangrove. Il accourt auprès de Kessia. Il la trouve ligotée, sale, les cheveux défaits. Le jeune garçon frissonne. Il sent ses jambes trembler. Mais il domine son trouble, agite Kessia en lui criant le nom. Doucement, celle-ci ouvre les yeux et…

   –  Pam ? fait-elle, surprise, les yeux soudain écarquillés. Suis-je encore en train de rêve… ?

  Pamito se précipite sur la corde qu’il défait avec peine. Kessia sent ses mains déliées, libérées. Le garçon achève de défaire celles de ses pieds. Enfin, Kessia retrouve l’usage de ses membres déligotés. Elle reste interdite quelques secondes, tant cette liberté est inattendue. Elle tente de se relever, mais n’y parvient pas toute seule. Pamito vole à son secours. Kessia le retient et le serre très fort contre elle. Pamito l’imite. Un courant d’amitié amoureuse passe entre eux.

   –  La vie ne manque jamais de surprises, glisse Kessia dans l’oreille de son ami, d’un ton taquin. Mais je savais que mon poltron d’ami allait me secourir. Je te suis reconnaissante, mon vieux.

   –  Je suis honoré de venir au secours à la plus curieuse et têtue des filles que je connaisse, la taquine Pamito, après l’étreinte.

   –  Il faut qu’on s’en aille d’ici, ils ne vont pas tarder à revenir fous furieux, le prévient aussitôt Kessia.

   –  Prends le temps de manger quelque chose d’abord, dit Pam qui se penche sur son sac. Je t’ai rapporté des vivres.

  Kessia sourit de bonheur. Le jeune garçon lui passe de l’eau. Quand elle finit de boire, il lui donne du pain, des galettes et quelques fruits.

   –  Il faut que tu reprennes ta force avant de partir d’ici.

  Kessia ne peut s’empêcher de sourire avant de se régaler, très ravie. Pam ressent de la pitié pour elle. Il imagine à quel point elle a dû souffrir dans cet îlot, ligotée. Il brûle d’envie de lui demander de narrer tout ce qu’elle a enduré ici, mais se ravise.

   –  Merci, Pam ! dit Kessia, une fois sa faim assouvie.

   –  Tu as besoin d’un peu de temps pour récupérer tes forces, souligne le jeune garçon.

   –  Là, je ne suis pas d’accord, proteste Kessia. On n’a plus de temps à perdre, Pam. Je leur ai filé une fausse piste. D’ailleurs, tu as bien fait de venir au moment propice, sinon tu allais trouver mon cadavre haut perché.  Allons, avant qu’ils nous trouvent ici.

   –  Ils sont combien ? s’enquiert Pam.

   –  Deux, mais plus dangereux que cent.

  Cette dernière phrase suffit au jeune garçon à se résigner. Il ramasse son sac.

   –  Allons, on peut partir, maintenant, déclare-t-il.

  Comme Kessia ne réagit pas, ne bouge pas d’un pouce, les yeux rivés sur la mer. Pamito, étonné, regarde la mer à son tour. C’est ainsi qu’il aperçoit une pirogue aborder la rive.

   –  Ils sont là, dit Kessia.

  Le jeune garçon sent des milliers d’aiguilles transpercer sa chair. Par contre, il réprime sa peur. Il saisit le bras de Kessia et l’entraîne dans la forêt.