Kessia – chapitre 8 – L’incident

Kessia – chapitre 8 – L’incident

L’éducation physique se passe au terrain, situé à la proximité de l’école. Très souvent, le football est le jeu le plus pratiqué après les exercices musculaires. Un jeu qui s’avère d’ailleurs être une chasse au ballon. Malgré que les filles sachent moins jouer, elles participent au jeu. Le maître forme deux équipes constituées de filles et de garçons. Il est rare que Kessia et Pamito défendent le même camp.

Chaque fois, quand le maître lance la rencontre, une vraie chasse au ballon se révèle. De la part des filles. Car partout où se trouve la balle, elles s’y précipitent toutes. Il arrive même qu’elles empêchent, gênent leurs coéquipiers de bien jouer, de dribbler ou de marquer. Et les pauvres garçons s’ennuient, s’énervent rapidement.

 « Pourquoi faut-il toujours nous mélanger avec les filles dans ce jeu, bon sang !

  • J’ai envie de quitter le terrain, ces filles ne savent jamais jouer !
  • Elles nous emmerdent, en plus ! »

Heureusement que le football n’est pas le seul sport appliqué lors de cet exercice physique. Sinon les garçons allaient s’étrangler d’ennuis. Parfois, c’est la course. Ils forment un cercle pour faire des activités musculaires. Se tenir sur la pointe des pieds, les mains placées sur les hanches, ou tirées vers le haut. Ou encore, tendues devant soi. Mais également, se tenir sur une jambe et tendre l’autre devant ou derrière soi, les mains sur les hanches… après intervient la course.

Alors, le maître constitue deux équipes, veille toujours à ce qu’il y ait l’équilibre. Que l’une ne soit pas favorisée par rapport à l’autre. La course commence par les plus petits pour finir par les plus grands. Les filles du premier camp contre celles du second camp. Pareil pour les garçons. Chacune des deux équipes se montre excitée, agitée, enthousiaste, mais aussi nerveuse quand un coéquipier perd. Car elles désirent gagner, toutes les deux.

Aujourd’hui, c’est un autre jour. C’est presque tous les samedis que se passe l’éducation physique. Kessia et ses camarades se retrouvent en classe, occupant leurs bancs. Ils bavardent, habillés en maillots de sport. Mais bientôt ce bruit s’évanouit, quand leur maître les rejoint.

  « Bon, votre attention, s’il vous plait ! leur dit M. Jano tapant dans sa paume. Aujourd’hui, nous allons faire ce que nous n’avons encore jamais fait ! »

Les écoliers se regardent d’un air souriant. Ils se demandent ce que cela peut être. Alors ils fixent leur maître avec toute leur attention, impatients.

  « Nous allons faire aujourd’hui en éducation physique, la na-ta-tion ! déclare M. Jano. Eh bien, vous avez bien compris, nous allons faire la natation. »

Ravis, Kessia et les garçons applaudissent, sans risque de perturber les autres salles. Ils lancent des commentaires enthousiastes. Cependant, déçus, Pamito et les filles ne manifestent que peu d’intérêt à cette idée. Kessia s’en rend presque aussitôt compte.

 « Allez, bouge-toi un peu, Pam ! lui sourit-elle. Dis quelque chose. Ça ne te réjouit pas ? »

Le garçon soupire puis lui murmure quelque chose dans les oreilles.

« Mais tu blagues ! chuchote Kessia. Tu en es sûr ? »

Penaud et embarrassé, le jeune garçon inspire profondément. Il hoche la tête que oui. Kessia en demeure étonnée. Elle n’a jamais imaginé que son camarade ne sache nager. Elle lui dit qu’elle va lui en apprendre. Pamito ferme les yeux un instant encore avec soupir. « Elle ne sait pas nager, mais elle veut m’en apprendre. Drôle, quand même ! » se dit le jeune garçon, incrédule, en hochant la tête à Kessia pour son accord.

  « Ceux qui ne savent pas nager, vous n’êtes pas obligés de faire la course, précise M. Jano quand le calme s’installe. Vous allez tout simplement suivre ou supporter les candidats. Allez, on bouge ! » conclut-il.

Ils se mettent donc en route. Ils passent sous les arbres dont la brise fragilise les branches. Quelques minutes plus tard, ils débouchent sur la mer. Bien qu’il soit un peu étroit, l’endroit est bien sableux. A gauche puis à droite se trouvent quelques rochers. La marée n’est pas complètement rentrée. Elle est plutôt un peu haute. Presque à une trentaine de mètres, apparait la pointe d’une pierre comme un iceberg.

  « Bien, c’est parfait ! déclare M. Jano quand les candidats se mettent sur la ligne de départ. Vous allez faire un aller et retour. Vous irez donc jusqu’à cette pierre. Mais je vous préviens, pas de triche ! » consigne-t-il.

Kessia, Pamito et les autres camarades se tiennent sous les arbres qui bordent la mer. Ils regardent les candidats parmi lesquels figurent Melan et presque toute sa bande. Mais hélas ! Aucune fille. Quand le maître s’assure que les candidats sont prêts, il siffle d’un trait. Ceux-ci dévorent aussitôt la petite distance qui les sépare de la mer. Ils s’y jettent. Avec toute leur énergie, toute la force de leurs bras, ils nagent. Ils brassent vite, plus vite. Plus rapidement encore, désireux de sortir vainqueurs.

Sur la rive, tout le monde s’excite, s’agite, s’émerveille et encourage les braves nageurs. L’ambiance, l’enthousiasme enchante Kessia. Elle regrette bientôt de n’avoir pas participé à la course, alors qu’elle sait nager. Elle a appris quand elle a commencé à fréquenter la forêt, le bord de la mer. Avant de savoir nager, elle s’est d’abord noyée plusieurs fois et elle s’est consolée toute seule. Elle ne s’est jamais découragée. Elle a persisté jusqu’à ce qu’elle y soit parvenue. Même Pamito ignore qu’elle sait nager.

Elle a juste évité qu’on la traite encore de garçon manqué. Elle a bien vu juste. Sinon Oumu et ses camarades se feraient une bonne raison pour lui prouver que c’est une erreur qu’elle soit une fille. Oui, elles prétendent cela parce que Kessia fait tout ce que font les garçons. Alors, la jeune fille a donc dû renoncer à la course.

Le téléphone du maître se met à sonner. Il le décroche puis s’éloigne de cette agitation et euphorie. C’est le moment qu’un écolier saisit. Surexcité, il se lance dans l’aventure. On se moque de lui, prétextant qu’il ne va pas gagner. Les autres sont déjà bien loin. Ça ne décourage nullement le jeune écolier. Il brasse vite, plus vite encore. Il avance bien, même s’il se trouve encore loin des autres. Cependant, bientôt il renonce, car fatigué. Il sent ses bras s’alourdir. Il s’inquiète, mais persiste. L’angoisse le serre la gorge quand nager lui devient alors difficile.

   « Au secours… je n’en peux plus… ! » crie-t-il.

Les rires fusent en l’air. Alors que le jeune écolier tente des efforts pour retrouver la rive, ses amis le ridiculisent. Et soudain, la situation devient sérieuse et grave. Ils cessent de se moquer, réalisant que le garçon commence vraiment à se noyer. Parmi les écoliers, une fille se débarrasse de ses habits, hormis sa culotte.

   « Que… que fabriques-tu, Kessi ? » balbutie Pamito, affolé.

Kessia ne lui répond pas. Sous les regards stupéfaits et terrorisés de ses camarades, elle se jette dans l’eau pour sauver le garçon.

  « Au secours… je me… noie ! 

  • Tiens bon, j’arrive… s’il te plait ! » le supplie Kessia en nageant comme une déchaînée.

Comme la situation se révèle dramatique, une écolière court chercher le maître. Elle finit par le retrouver toujours en communication. Il lui demande ce qui se passe, en signe de main. Il a bien entendu du bruit, mais a cru que c’était le cri  de joie.

  « Monsieur, c’est un élève qui se noie…

  • Quoi ? fait M. Jano, désorienté.  Allô ! il faut que je te laisse… j’ai un petit problème à résoudre ! »

Il raccroche l’appel puis regagne la mer de toutes les forces de ses jambes. La scène qu’il retrouve le paralyse terriblement.

  « Allez, Kessia… vite, plus rapidement ! » encouragent ses camardes qui se trouvent dorénavant sur le sable, près de la mer.

Essoufflé et anxieux, M. Jano ne garde que sa culotte. Il écarte ses élèves, se jette dans l’eau. Alertés et bien qu’ils n’aient aucune chance de sauver le naufragé, les autres candidats rebroussent chemin pourtant.

  « J’en peux… plus. Vite… s’il te plait… 

  • Un peu de courage… j’y suis presque… »

Mais le garçon ne tient plus. Ses derniers efforts l’abandonnent,  alors que Kessia n’est qu’à trois mètres de lui. Le pauvre glisse au fond de l’eau, disparaît.