L’île de la Magie – chapitre 10 – Un terrible assaut

Chapitre 10 – UN TERRIBLE ASSAUT

La grotte qu’occupent les enfants resplendit de la lumière du feu. Mano, à l’écart de ses amis, dort toujours et tout près de lui se trouve Nis qui lui tient compagnie. Ses amis n’ont pas eu le temps de lui révéler comment cette grotte obéit comme leur pierre bleue.

Les autres sont assis autour d’une torche de bois qui resplendit mais qui ne se consume guère. Les gamins semblent ne rien trouver à se dire comme si le silence les en empêche, ils se contentent seulement de fixer ce feu dont les flammes ne voltigent guère.

La grotte toute entière est avalée de l’extérieur par l’obscurité qui règne. Les enfants s’intéressent d’un moment à l’autre à l’accès de leur abri, mais sans souffler mots.

« Dani, tu crois qu’on va revoir chevalaure comme tu le nommes ? » S’enquiert Nafi.

« Chevalosaure ! » Rectifie Dani. « Je crois qu’on le croisera net… »

« Chevalosaure ! » Répète Emma d’un ton railleur. « Quel drôle de nom. »

Les cris des insectes nocturnes leur parviennent de l’extérieur de la grotte mais qui ne troublent guère leur sérénité. Un silence passager s’impose avant qu’Emma ne demande à quitter ses amis.

« Dani et Nafi, veuillez accorder à ce que j’aille m’assoupir. » Leur dit-elle en se levant.

Ses deux compagnons hochent la tête. Et Emma s’en va s’étendre auprès de Mano et Nis qui dorment. Dani et Nafi sont assis l’un en face de l’autre. La torche se tenant entre eux.

« Votre tante sait que vous êtes là ? » S’enquiert Nafi.

« Nul ne sait d’où nous sommes. » Répond soucieusement Dani.

« Ah bon ! » S’exclame-la jeune fille, surprise. « Donc vous êtes venus ici sans permission ? »

Dani hoche doucement sa tête comme pour dire oui d’un air songeur.

« Ca alors !… »

Ils contemplent cette torche qui rayonne d’un vif éclat ; sa flamme ne danse ni ne volète en l’air. C’est un peu étrange tout cela, surtout qu’elle ne brûle personne et ne se consume pas non plus.

« Dani ! » L’appelle doucement Nafi.

Le jeune garçon fixe sa compagne dont les yeux scintillent avec une lueur d’affection.

« Je me disais que si tu n’aurais pas ai… euh ! Enfin, tu comprends ce que je veux dire ? » Balbutie-t-elle.

« Pardon ? »

« Si tu n’aurais pas aimé quelqu’un par hasard… tu me comprends maintenant ? » Explicite la jeune fille.

« Quelle idée ! » s’exclame le garçon, surpris. « Tu veux bien parler des filles ? »

« Justement. »

Dani demeure un peu songeur faisant mine de se souvenir de quelque chose.

« A part toi, je pense non ! » Finit-il par dire.

« Mais on dirait que tu ne ressens plus rien pour moi, depuis que tu m’as écrit ce poème, tu ne me montres plus rien qui puisse prouver que tu tiens à moi. » Observe Nafi, « ou bien as-tu changé d’avis ? »

« Non, bien sûr que non ! » S’empresse de répondre Dani. « Tu sais fort bien autant que moi que depuis  que les obstacles ont commencé à surgir, on n’a même pas un pouce de temps pour nous entretenir, mais cela ne m’empêche pas de sauvegarder notre amour au fond de moi… » Ajoute-t-il.

« Je vois ! » fait la jeune fille presque soulagée.

Dani s’approche près d’elle puis enfile sa main dans la tienne. Ils demeurent tous les deux silencieux contemplant cette mystérieuse torche. La jeune fille pose sa tête sur l’épaule de son compagnon.

« Quand tout sera fini », reprend Dani, « tout deviendra parfait !  Me comprends-tu ? »

« Oui ! Quand nous sortirons sains et saufs de ce périple ! » Répond Nafi en regardant son ami, sa tête toujours appuyée sur l’épaule de celui-ci, souriante.

Dani étreint affectueusement la main de sa compagne d’une douceur extrême.

« Une aventure sans amour », songe Dani, « a peu de chance de réussite… »

Une voix interrompt Dani derrière eux.

« On dirait la voix de Mano. » remarque Nafi en relevant sa tête.

Mano se dresse sur son séant sentant une énergie incroyable en lui. Il observe attentivement tout autour de lui, très stupéfait. Nis se réveille aussitôt ; Emma, elle, reste de bonne grâce dans son profond sommeil. Mano s’étonne de voir Dani et Nafi qui ne dorment toujours pas et qui s’approchent de lui.

« Vous ne dormez toujours pas ? » S’exclame Mano, surpris, croyant que ses compagnons dormaient déjà.

Les deux jeunes enfants hochent négativement leurs têtes. Et Mano se relève puis se dirige vers les bois allumés pour les contempler de près, suivi de Nis, n’arrêtant pas de s’exclamer de plus belle.

« Tout est étrange ici. » Lui lance Nafi. « Il s’agit seulement que tu souhaites quelque chose et le dises ouvertement pour obtenir satisfaction. »

« En plus, c’est une caverne mystérieuse ! » ajoute Dani.

« C’est magnifique tout cela ! » S’exclame le chef, enthousiaste.

Il continue de tourner et retourner dans la grotte, s’arrêtant devant les torches qui scintillent les unes après des autres, mais qui ne brûlent rien que ce soit. Réduit à la stupéfaction, l’oncle ne réussit qu’à s’exclamer chaque fois.

Mais ! Et leur pierre magique ? Qui y pense ?

Les deux spectateurs finissent par souhaiter bonne nuit à Mano. Nafi part s’étendre près d’Emma et Dani se recroqueville dans un autre coin après s’être souhaités bonne nuit l’un à l’autre. La grotte reste merveilleusement illuminée.

Cependant l’admirateur continue à contempler ce bel endroit qu’il n’a jamais vu pareil auparavant. Son fidèle garde, Nis, s’arrête puis s’étire les membres et emboîte le pas à son maitre. Quand ce dernier finit ses contemplations pourvues d’exclamation, d’admiration et d’acclamation, il finit par aller se recoucher à moitié satisfait avec Nis. Ainsi il ordonne à la grotte d’éteindre les torches, cela fait, l’obscurité dévore alors l’intérieur de la grotte et les seuls survivants de cet îlot sombrent aussitôt dans le sommeil.

Les premières lueurs du jour retrouvent les enfants dans la grotte. Tous les autres dorment encore sauf Mano qui s’est sitôt réveillé. Il a exprimé un souhait : parvenir à assouvir son désir en se prémunissant d’un arc et un carquois de flèches qu’il accroche au dos. Quand il s’apprête à sortir, il retrouve Nis qui l’attend au seuil de la grotte.

« Nis ! » S’exclame-t-il, surpris. « Je croyais que vous dormez tous. »

Nis se contente seulement de le regarder sans réagir, assis sur ses pattes postérieures.

« Suis –moi, alors ! » lui ordonne le garçon d’un signe des mains.

Leur chien se relève puis suit les pas de son maitre. Sortis tous les deux de la grotte, Nis s’immobilise devant l’accès sous les ordres de son maitre, celui-ci cherche alors cinq bois représentant des épouvantails et sur lesquels il fait des marques. Après quoi il les place les uns auprès des autres et revient s’arrêter auprès de Nis ôtant de son dos, son arc et son carquois.

« Nis, tu connais cela ? » lui lance-t-il. « C’est ce qu’on appelle un tir à l’arc. »

L’archer saisit verticalement son arc dans sa main gauche puis place la toute première flèche entre la baguette et la corde, bande l’arc tendant la corde en arrière vers lui jusqu’à ce qu’elle soit en contact avec sa joue. Il courbe légèrement son poignet pour que la corde ne vienne pas heurter violemment son visage. Il ferme son œil gauche pour bien viser cette marque située en plein cœur de l’épouvantail. Ainsi Mano tire la flèche et réussit à atteindre la cible.

« Ouais ! » s’écrit-il, satisfait.

Sur cinq tirs, le garçon ne réussit à atteindre que trois en manquant le troisième et le dernier tir.

« Hum… ! » grogne l’archer, malheureux.

Il fait signe à Nis de ramener toutes ces flèches. Le chien s’exécute aussitôt. L’archer reprend son exercice mais cette fois, il ne réussit à atteindre que deux cibles. Il fait une grimace. Nis ne se laisse pas ordonner, il se précipite puis restitue à son maitre toutes les flèches. Quand Mano ressaie pour la troisième fois et qu’aucune flèche n’aboutit à rien, il jette son arc, fort malheureux, puis s’assoit à terre, les genoux relevés, tête penchée. Nis transporte encore une fois toutes ces flèches auprès de son maitre puis le contemple un instant avant d’aller saisir l’arc qu’il lui rapporte aussi. Mano relève sa tête ; vexé par son échec, il le repousse. L’animal insiste. L’archer finit par saisir de nouveau son arc puis fixe son fidèle chien comme si ce dernier peut le gratifier de confiance et de courage.

Mano se relève puis saisit une flèche qu’il place sur l’arc, vise l’une après l’autre les marques, concluant ce dernier tir par une large réussite. Son chien se met à japper de joie. L’archer s’accroupit et Nis se met à le chatouiller abondamment. Le gamin se met à glousser de rire quand une voix tonne derrière eux :

« Voilà un bon archer ! » Commente cette voix.

Le nouvel archer déchiffre aussitôt cette voix. Elle est émise par Emma. Le garçon la fixe.

« Tu nous suivais ? » Finit par s’enquérir le nouvel archer.

« Oui ! Depuis que vous êtes sortis, je vous ai discrètement suivis et je me suis arrêtée juste avant le seuil de la grotte à vous contempler. »Raconte-t-elle en guise de réponse.

« Ah bon ! » S’exclame Mano d’un air amusé. « Donc t’es devenue espionne ? »

La jeune fille esquisse un sourire en guise de réponse.

« Ah ! Ça alors… »

Elle vient auprès de Mano et finit par empoigner l’arc et une flèche à terre.

« Ça te dirait de m’apprendre à tirer ? » Suggère-t-elle.

« Bonne idée ! » approuve le garçon, joyeux.

Mano se relève puis se dirige vers Emma.

Dani et Nafi se réveillent et en voulant sortir de la grotte, ils voient leurs deux compagnons en position de tir à l’arc. Ils se cachent exactement où s’est cachée Emma, contemplant les deux nouveaux archers qui ne soupçonnent de rien.

« Comme c’est romantique ! » S’exclame doucement Nafi, émerveillée.

Dani la fixe aussitôt et leurs regards se croisent, les visages peints d’un sourire las.

Mano s’arrête derrière Emma puis ensemble, ils empoignent l’arc. La jeune fille saisit la flèche et la place sur l’arc. Le garçon saisit le poignet d’Emma puis tire. Ainsi donc, la corde bien tirée en arrière et la marque bien visée, la jeune ne fille relâche la flèche qui atteint sa cible.

« Waouh ! » S’écrit-elle, enthousiaste. « Comme c’est magnifique ! »

Mano se retire seul puis contemple sa compagne d’un air expressif ; celle-ci se tourne vers lui.

« Quoi donc ? » S’enquiert Emma, stupéfaite.

Jamais Mano n’a regardé une fille comme cela, ayant l’air de ressentir quelque chose pour son amie. Un visage très expressif qui pousse celle-ci à esquisser un sourire. Cependant comme le jeune garçon ne dit mot ou est peut-être prisonnier de son songe, Emma vient alors agiter sa main devant son ami qu’on croirait maintenant hypnotisé.

Les spectateurs en tapinois contemplent attentivement la scène qui se déroule avec stupéfaction.

« Mais il est trop étrange, Mano ! » Remarque Nafi.

« Il parait amoureux, ce drôle d’archer ! » Raille Dani.

« C’est étrange alors !… »

Après quoi Nafi se met à glousser de rire, la main sur la bouche sans se faire entendre par ceux de dehors.

Nis vient s’arrêter près de son maitre qui demeure toujours indifférent comme si plusieurs idées trottaient dans sa jeune tête.

« Tu rêves donc ? » Lui crie Emma qui saisit toujours l’arc.

Mano fait aussitôt un sursaut, surpris, sortant de l’emprise de ses idées. Ce qui pousse la jeune fille à s’esclaffer.

« Euh ! ben… quoi ? » Balbutie Mano, perplexe. « Tu ne m’aurais pas dit quelque chose comme ça… »

« Si. Je t’ai demandé si tu rêvais. » Répond Emma, hilare.

« Oh non ! » S’exclame le garçon en tirant sur les mots. « Pas du tout ! »

« D’accord ! »

Elle se penche puis saisit une flèche qu’elle place sur l’arc et fait mine de viser la marque.

« Tu es prêt pour le deuxième tir ? » demande-t-elle à Mano.

« Emma ! » L’appelle doucement le garçon.

Elle tourne aussitôt le regard vers lui.

« Enfin, je voudrais que tu saches que tu me… » Hésite Mano baissant la tête puis la relève. « Tu me plais… »

« Je le sais. » L’interrompt Emma après avoir finalement fait face à son ami. « Le moment propice nous permettra de bien en parler ; pour l’heure, viens te joindre à moi pour le deuxième tir, veux-tu ? »

Le garçon secoue lentement sa tête puis s’approche de son amie. Comme ils l’ont fait pour le premier tir ; pour cette seconde fois encore, ils réussissent à toucher le but.

« Parfait ! » S’émerveille la jeune fille, satisfaite. – Elle se tourne vers son ami qui s’est écarté -. « Parfois il faut deux paires pour mieux faire. » Remarque-t-elle.

« Tu saurais y arriver toute seule… » La rassure son acolyte, hilare.

Après quoi Mano ordonne à Nis de leur apporter toutes ces flèches.  Et le chien se met à exécuter.

Cependant, sortent de leur cachette les deux spectateurs, Dani et Nafi.

« Comme c’était magnifique ! » S’écrie Nafi, émerveillée.

Les deux archers les fixent aussitôt, surpris.

« De quoi parles-tu ? » S’enquiert Emma.

« Tomber séduit ! » Commente Dani, « qui a-t-il de mieux que de tomber réduit ? »

Pour toute réponse, Mano plie son front ; lui qui ne se laisse pas facilement charmer par n’importe quelle fille, qui ne laisse jamais paraitre son tempérament amoureux, il se retrouve maintenant réduit à la séduction. Or les vrais héros – pas les vrais zéros – ne s’intéressent quasiment pas aux filles à moins qu’ils ne finissent de surmonter tous les obstacles qui se dressent devant eux. Du moins, quand même, il n’y a rien à avoir honte quand on tombe séduit.

« Et si on essaie à notre tour, Dani ? » Suggère Nafi, souriante.

C’est au même moment où Mano demande à ses compagnons de le suivre, ce qui contrarie fort bien Dani et Nafi.

« Mais… »

« Ce n’est pas MAIS qui arrangera les choses, Dani ! » Réprime Mano – « On n’a plus de temps à perdre désormais. »

Les deux acolytes contrariés adoptent aussitôt un air crispé, néanmoins ils obéissent. Nafi court prendre dans la grotte le coffret tandis que les autres s’apprêtent à s’en aller. Cette caverne, quand il n’y a personne dedans, s’obscurcit complètement, et pour y rentrer, il faut réordonner à ce que la lumière revienne. Ayant saisi le coffret, Nafi rejoint ses amis.

Mano accroche à son dos, son arc et son carquois puis s’en va d’un pas martial, ses acolytes lui emboitant les pas.

Après quelques temps de marches, les enfants arrivent finalement à destination. Se cachant derrière les arbres, ils voient alors leur adversaire tourner et retourner devant l’accès de la seconde caverne comme s’il pressent l’arrivée de quelque chose qu’il attend impatiemment, son regard filant dans tous les sens, sans parvenir à découvrir ses antagonistes. Au flanc de sa grotte sont entassés les os de pauvres animaux qui se sont montrés téméraires.

« On dirait qu’il attend quelque chose, ce dragon ! » Remarque Nafi, craintive.

« Il me semble suffisamment bien, ce qui est encore plus étrange ! » Commente Emma, inquiète.

« Chut ! » Fait Mano.

Les commentaires de leurs compagnes affolent et rendent craintif. Mais Mano ne trouve pas de quoi avoir à craindre contemplant leur adversaire. Dès que le dragon leur fait dos, Mano s’extrait prestement de ses amis et va se cacher derrière l’arbre le plus proche de leur antagoniste. Il ôte son arc et son carquois dans lequel il tire une flèche qu’il place convenablement sur l’arc dont il bande avant de faire face au monstre en quittant sa cachette.

« Hé ! » Lui crie Mano après l’avoir visé, ce monstre. « Gros lard, c’est moi que tu cherches ? Avale cela d’abord. »

Dès que le dragon lui fait face, l’archer lâche prestement la flèche qui transperce l’aile gauche de son adversaire. L’animal pousse des glapissements furieux et crache de ses nasaux un torrent de flammes pour pétrifier le garçon. Mano lance une autre flèche au monstre qui l’écarte farouchement de sa grande aile. Le garçon insiste en enchainant une autre flèche que le dragon lui renvoie en écho, ce qui pousse Mano à s’incliner pour l’éviter. Le dragon pousse alors un mugissement fort assourdissant. Voyant qu’avec l’arc et la flèche, son adversaire restera invaincu, Mano veut avoir recours à la magie, leur pierre bleue. Il palpe sa poche pour en extraire la pierre, il n’y trouve rien, il se souvient que ses compagnons ne lui ont pas remis cette pierre.

« La pierre bleue ! » S’écrie-t-il à forte voix, comme pour appeler au secours, mais sans regarder ses amis cachés derrière un arbre.

Ses compagnons qui suivent la scène, demeurent tout craintifs à en claquer les dents.

« Mano demande la pierre ! » Transmet Nafi.

Dani fouille promptement ses poches en vain. La situation devient encore plus critique et dangereuse cette fois-ci ; le neveu aussi l’a sûrement oublié quelque part, leur pierre ! Ne l’ayant pas retrouvée, il fixe ses amis d’un air navré puis respire bruyamment.

« Eh bien !ça alors… » Articule Nafi, désespérée.

Aucun ne peut sauver l’autre. Mais une idée parcourt la tête de Nafi.

« Et si on envoie Nis chercher la pierre… » Propose-t-elle.

« Il la retrouvera sûrement et c’est notre seul espoir ! » S’empresse d’approuver Emma.

Nis adopte un air de désapprobation comme s’il a compris ce qu’ont mijoté ses camarades – il aurait dû certainement se demander ce qui pousse ses maitres à oublier chaque instant ! Quelle négligence !

« Allez, Nis ! On doit sauver Mano et tu sais que sans cette pierre nous ne saurons y arriver ! » Insiste Dani avec conviction.

Nis commence à japper à toute vitesse, très docile. Les enfants suivent malicieusement les deux combattants.

Mano attend vainement la pierre et finit par rejeter son arc et carquois, s’apprêtant à fuir. Néanmoins, c’est insuffisant, car face à ce monstre, il n’y a aucune chance de survivre, seul un miracle peut le sauver. Cet animal effroyable lui ouvre grandement gueule pour le pétrifier.

« Beurk ! »

Le monstre s’apprête à dévorer sa proie, le pauvre Mano, quand un mugissement tonne quelque part tout près d’eux, ce qui attire aussitôt l’attention des deux assaillants et des autres compagnons en tapinois qui voient les arbres s’incliner et s’agiter violemment.

« Qu’est-ce que c’est ? » S’inquiète Nafi, effrayée.

« N’est-ce pas chevalosaure, notre ami dinosaure ? » suppose Emma.

« Evidemment ! Ça ne saurait être que lui, je crois. » Remarque Dani.

Comme le dragon semble maintenant quasiment plus intéressé à la grande proie qu’au pauvre enfant, il s’apprête à l’accueillir d’un air avide ; c’est ainsi que Mano se faufile derrière un arbre puis suit la direction d’où parviennent les mugissements. Cependant, l’animal, qui ne cesse de meugler et d’agiter les arbres qui s’inclinent et se balancent dans tous les sens, apparait enfin.

« Chevalosaure ! » S’exclament les enfants en chœur, soulagés.

Le dragon pousse des grognements fort horribles en émergeant de ses nasaux un torrent de flammes pour affoler le dino, son nouvel adversaire. Celui-ci aussi gronde affreusement décidé.

« Oh  encore ce monstre, ce dino… » S’inquiète Mano toujours en cachette. « Deux monstres à assaillir sans notre pierre est… impossible. »

Le pauvre enfant est confus et désespéré or le dino est pourtant venu pour les secourir, ses amis et lui.

Avec forces et grimaces de chacun des deux animaux, dressés l’un contre l’autre, ils se déchainent ; leur rencontre fait grand bruit de fracas, les deux assaillants se tiennent sur leurs pattes postérieures en se griffant fort violemment. Des gouttes de sang suintent du corps de chacun de ces deux animaux. Le dragon crache de plus belle de sorte que le dino ne parvient pas complètement à esquiver ses attaques, néanmoins il résiste. Ils se mordent, se donnent de coups de queues… un désastre!

Mano se faufile alors prestement derrière l’arbre puis se dirige vers la grotte dont l’intérieur est totalement sombre, il y pénètre sans crainte, ordonnant  la lumière, mais rien n’obéit, elle ne ressemble nullement à l’autre. Le garçon titube en palpant les flancs de la caverne pour tenter d’y trouver les deux clés et le coffret, il touche finalement une grande pierre. Mais voilà qu’il entend un grand bruit de chute suivi d’un hurlement qui aussitôt font trembler tout cet endroit ; la caverne risque de s’effondrer.

Ce sont ce bruit et ce tremblement qui arrachent Mano de la grotte, il voit alors le dino gisant à terre, complètement vaincu, des flots de sang émergent de ses membres, certaines parties de son corps sont noircies par la flamme et son adversaire le dragon s’apprête maintenant à le dévorer tout cru.

Mano se précipite prestement sur son arc puis place la flèche qu’il lâche et défonce le flanc de leur adversaire, le dragon, qui gémit amèrement avant de fixer le garçon complètement terrorisé dont les jambes semblent ne plus lui obéir. Néanmoins il réussit à s’enfuir et se réfugie dans la caverne. Le dragon le poursuit aussitôt, mais ne pouvant pas pénétrer grotte, il y fait rentrer sa tête et se contente de l’enflammer au travers de ses nasaux.

Les trois enfants en catimini quittent derrière l’arbre et se dirigent vers leur ami, le dino, les mi-clos.  Le pauvre chevalosaure a tout tenté pour triompher, mais en vain, et a fini par succomber. Soudain, quelque chose de très mince comme une aiguille, apparait, tournant et retournant sur elle-même, dans une sorte de boule de nuée transparente, sans soutien, comme si quelqu’un la manie à distance. Dani s’en saisit prestement. Cependant les enfants n’attendent pas d’éventuelles explications et d’instinct, cherchent un petit bois au bout duquel ils accrochent cette petite chose et se dirigent vers la queue du dragon, lequel n’arrête pas de cracher des flammes qui étouffent et font transpirer horriblement Mano jusqu’aux os, toujours caché derrière cette grande pierre qui intercepte les jets de flammes.

Les enfants s’approchent précautionneusement derrière le monstre puis enfoncent ce quelque chose en forme d’aiguille dans la queue du dragon qui se met alors à meugler au point d’anéantir la grotte ; la douleur lui fait retirer sa tête de la caverne, et, ayant vu ces enfants, il leur assène un violent coup de queue qui les fait voltiger, ne leur laissant pas le temps de se planquer. Le monstre finit quand même par s’écrouler tout raide en glapissant.

Après quelques instants, les enfants se relèvent péniblement et s’approchent des uns des autres en titubant. Ils viennent s’adosser contre leur ami, le dino, qui a les yeux finalement clos. Mano sort aussi de la grotte en vacillant, suffoquant et toussant pour rejoindre ses compagnons, et, ne parvenant plus à se tenir sur ses jambes, il s’écroule. Ses amis fournissent un effort surnaturel pour le secourir ; ils parviennent alors à l’emmener près du dino sur qui ils s’adossent tous ensemble.

« Vous allez tous à peu près bien, vous pouvez tenir bons ? » Leur demande Mano d’une voix étranglée.

Ses compagnons hochent mélancoliquement leurs têtes ce qui ne parait pas à un oui ni à un non.

« Où se trouve Nis ? » S’inquiète Mano.

Dani pointe au bout de son index vers la direction de l’autre grotte.

« Où ça ? Vous ne parvenez plus à parler,  vous ? » Insiste le chef.

« Il est parti chercher notre pierre. » Réussit à répondre Dani d’une voix lasse.

Ils demeurent taciturnes à regarder la direction qu’a empruntée leur chien. Cependant, ils remarquent soudainement une ombre qui les couvre, comme si les nuages engloutissent le soleil ou comme si un arbre tombé se relève en interceptant les rayons. C’est ainsi qu’ils voient cet horrible monstre, pratiquement juste derrière eux. Ils se remettent aussitôt debout tant bien que mal, puis reculent du mieux qu’ils peuvent car épuisés et dépourvus de tout élan triomphal ou furtif, leurs jambes semblent ne plus leur obéir. Le dragon bat ses ailes, ce qui lui permet de voleter et menacer certaines herbes. Voltigeant un peu plus haut pour avoir l’équilibre, ainsi donc fait, le monstre toise farouchement les enfants, disposé à les dévorer tout crus.

Les gamins ne peuvent plus se tenir debout assez longtemps ni se planquer, tant terrifiés et frissonnants. Le monstre se déchaine contre eux, mais au moment où il va arriver à sa fin, émerge mystérieusement du sol un grand bois aiguisé que le dragon ne saurait esquiver, car incapable de rebrousser chemin en l’air. C’est ainsi qu’il se fait profondément poignarder et pousse un hurlement à ébranler les cieux ; un torrent de sang l’éclabousse et peint les enfants qui se sont écartés de son chemin en se jetant sur le côté. Le dragon est vaincu.